12. Rideau
ICI WALLONÎE
RIDEAU
Saison pleinement active dans nos théâtres. Le Trocadéro a dirigé le feu de ses projecteurs sur la « Revue », dont il est spécialisé, avec une troupe rompue au métier. Le Théâtre communal wallon du Trianon (qui doit être réuni au Gymnase et au Conservatoire a la Sauvenière) a débuté le 30 septembre avec « Belem li Macrê », de René Pasquazy. La pièce fut présentée au concours théâtral du centenaire de la Société de Langue et de Littérature wallonnes. Comme membre titulaire de la vénérable académie, nous étions du jury. Ce fut unanimement que « Belem li Macrê » obtint le premier prix et la médaille d'or.
A noter qu'on écrit « macré » et non « macrai », comme on doit écrire Torê, Porê, Sotê. : “L'ai “ nous agace et nous ne comprenons pas pourquoi des sociétés folkloriques wallonnes commettent cette faute impardonnable.
Le Gymnase, dirigé de main de maître par M. Charles Joosen, a abordé dès septembre, un programme éclectique, varié, amusant, passionnant à souhait. Brave vieux Gymnase, qui s'ouvrit le 4 novembre 1806 dans l'ancienne abbaye Saint-Jacques (il portait aussi le titre «Des Variétés») pour s'installer ensuite place Saint-Lambert sur l'emplacement de l'Hôtel des comtes de Rougrave, où il allait connaître, et connaît, une magnifique carrière. Brave vieux Gymnase au style ancien, mais dont le nom est gravé en lettres d'or dans l'histoire théâtrale liégeoise.
Nous ressentirons, avouons-le, une vive émotion en le voyant disparaître de son recoin. Mais quand cela se fera-t-il ? Et quels problèmes cela pose ! Le Royal, devenu «Opéra de Wallonie» s'est luxueusement transformé. Tl s'ouvrit le 4 novembre 1820, sur les plans de Dukers, élève de l'Académie d'Architecture de France. Le constructeur fut l'architecte Vivroux. La salle évoque celle de l'Odéon à Paris.
En 1860, Jules Etienne Remont, architecte de la ville, prolongea le vaisseau. Les améliorations ont été constantes. Signalons celles des architectes Demany et Castermans. Elles ne sont pas closes, car on connaît le dynamisme de MM. Rossius et de leurs collaborateurs.
Ah ! que le théâtre nous fascine ! Un léger froissement d'un cornet à bonbons, une petite toux nerveuse, le grand lustre éteint lentement son bouquet, le rideau rouge s'illumine, les loges sombrent dans l'ombre !
C'est un enchantement qui commence. Nous avons été élevé dans cette ambiance. Notre mère nous y conduisait, toujours à la même place, depuis que nous pouvions sagement l'accompagner, notre menotte dans sa main gantée de blanc. Nos jeux préférés étaient encore du théâtre dans l'isolement poussiéreux d'un vaste grenier avec des vêtements de carnaval, souvenirs de bals parés, masqués et travestis.
Nous devions plus tard nous consacrer à la Revue et être joué sur toutes les scènes de la cité, y compris au Royal, pour qui nous écrivîmes «Nous voulons Rigoler tôt», une parodie assez sotte.
Avant 1914, il n'était pas rare qu'on offrit un spectacle d'opéra et d'opérette à la même représentation.
Verviers a longtemps détenu le pompon en cette matière. Au. Théâtre d'Opéra, on a toujours été d'une résistance incomparable. Ainsi, nous nous souvenons de ce soir lointain, où un ténor de Wiesbaden vint chanter « Lohengrin » en allemand, les autres interprètes répliquaient en français.
Voici ce que cela donnait ...
Lohengrin : « Mein scharmerisches schluchternes herz ist schrecklich schwulstig von deiner kolossal liebe geschwängert ...”
Et Elsa (dans l’extase) : “Oh ! redis-moi ces mots si doux qui charment mon oreille !”. Rideau !
Georges REM