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16. Chez nous

 

ICI WALLONIE

  

 

CHEZ NOUS

 

Chez nous, dans notre faubourg longtemps demeuré champêtre et maraîcher, les moeurs et les usages chan­geaient peu. Chacun vivait à sa façon.

Les maisons bour­geoises elles-mêmes n'avaient point de salle de bains. On se lavait dans la fine devant le poêle à la cuisine de sorte que l'on rôtissait d'un côté et que l'on gelait de l'autre. Parfois, il arrivait que le savon glissât sous un meuble et, grelottant, l'on partait à sa recherche à quatre pattes !

< Maman », disait une jeune fille, « mettrai-je ma robe décolletée? - Pourquoi me demander cela? Pour savoir jusqu'où me laver!».

 

Le modes étaient ridicules avec les faux-culs, les manches à gigots et les robes princesses à boutonner par l'arrière. Passé 30 ans, une femme abordait la vieillesse. Son mari à 40 ans en paraissait 60. Il faut bien l'avouer ce n'était pas très engageant.. On se fagotait à qui mieux mieux.

Et le samedi paraissait sur la table l'inévitable bouilli aux carottes avec des petits oignons au vinaigre.

Pour en revenir à la mode, c'était simple. On ache­tait la même pièce de tissu pour toute la famille qui, ainsi, s'uniformisait.

Cela se remarquait surtout chez le sexe faible. Les demoiselles sortaient avec un vêtement identique et coiffées du même chapeau. Elles s'avançaient solennelles.

Nous avons connu à la Libération de la deuxième guerre mondiale trois soeurs qui s'habillaient en drapeau belge une en noir, l'autre en jaune et la troi­sième en: rouge. Elles marchaient soigneusement, fière­ment, sans déranger l'ordre des couleurs nationales. Quel patriotisme '

 

Chez nous, dans notre faubourg, l'eau de la Légia fai­sait tourner de grands moulins qui semblaient régler la vie, les deuils et les fêtes. Les lavandières ou bouwerèsses tenaient la chronique en battant le linge. Les bigotes abondaient mais les ouvriers criaient « coùac ! » après les curés.

Au jour de l'an, les enfants lisaient des lettres de promesses de sagesse, illustrées de fleurs de papier entourées de colombes. L'école sentait le désinfectant, le maître y frappait de sa règle le bout des doigts des mauvais élèves ou les envoyait à genoux sur l'estrade.

 

Les boutiques ne faisaient pas assaut de publicité lumineuse. On y vendait de tout comme dans les uniprix d'aujourd'hui.

L'hiver retentissait d'un bruit de sabots glissant sur la neige. L'été, les gosses, petites canailles, rentraient fourbus, le tablier maculé, la culotte trouée, les genoux en sang. Chez nous, on enterrait les mineurs en musique le dimanche après-midi. Chez nous, les poings sur- la hanche, on disait «zut!» sans plus de façon et quand vous étiez malade le médecin barbu collait son oreille glacée sur votre poitrine ! Il vous mettait à la diète pour huit jours.

 

Georges REM.



18/08/2010
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