5. Bonne Année
ICI WALLONIE
BONNE ANNEE
L'allumeur de réverbères fut longtemps un personnage populaire. Il promenait sa perche au bout de laquelle tremblait une « loum'rote » qui faisait « plouf » dans les lanternes. Sa régularité nous disait l'heure. D'autre part dans la journée il circulait, 3'échelle à l'épaule, pour sa tournée de nettoyage. Cette corporation a disparu, vaincue par l'électricité qui nous dispense son éclairage au néon par ce qu'on ppelle « Brosses à dents ».
Ça et 1â dans certaines vieilles rues le réverbère transformé nous laisse cependant le souvenir de l'allumeur qui n'est plus hélas qu'un fantôme !
Nous y songeons à l'occasion du nouvel an car il était un des « petits métiers » de la rue qui venaient carillonner à nos portes. Le personnage tendait une carte portant le compliment suivant « A Monsieur » tout d'•abord Votre dévoué allumeur - En ce jour a bien l'honneur - De venir vous souhaiter - Une sainte heureuse année - Bonheur, santé, prospérité - Que Dieu daigne vous l'accorder - Et pour comble de souhaits - Le bonheur parfait !
« A Madame » ensuite : --- L'allumeur de nuit - Des malheurs vous protège - Il n'est pas à l'abri - Qu'il vente, pleuve ou neige - Lui qui fait la clarté -Écarte le voleur --- De se recommander - En ce jour a l'honneur.
Ces compliments s'encadraient, en tête, d'une demi-lune curieuse dans un corset de nuages (où se lisait l"inscrip~tian « Vigile nocturne » ) et entourés de deux réverbères avec d'une part un allumeur au sommet de son échelle et l'autre ä la base. Les rêverbières étant écussonnés aux armes de Liège.
Cette carte est précieusement conservée au Musée de la Vie Wallonne et reproduite dans le « Dictionnaire Liégeois » de feu Jean Haust.
Nos souhaits personnels exprimés ensuite sur des lettres illustrées et le dîner expédié, nous sortions avec toute la famille pour des visites où l'on se donnait le « baiser de paix ». Comment se faisait-il que nous n'allions souvent que chez de vieilles cousines recuites au ..coin de leur feu ? L'embrassade était « piquante » car ces honorables parentes avaient un redoutable poil au menton.
Un silence s'établissait rompu par les éternelles réflexions immuables.
Elles s'abattaient spécialement sur nous « Ce qu'il a grandi ! Vous avez dû défaire l'ourlet de son pardessus... dessus... Oui, ce qu'il a grandi ? Comme une mauvaise herbe !..
Une de ces osseuses haridelles nous montrait, entre Le pouce et l'index, une magnifique pièce de cinq francs que, traîtreusement, elle replaçait ensuite dans une jolie cafetière d'étain. « Vous l'aurez quand vous ferez votre première communion ! ».
Comblé par tant de sollicitude nous restions muet. On n'entendait plus que l'horloge qui battait le temps dans son coffre où apparaissait devant un petit hublot le balancier de cuivre.
L'entrevue s'achevait par une bonne odeur de café et un parfum de galettes.
Cette fois cela ne nous passait pas sous le nez !
Georges REM.